Edition du 7 février 2008
La
science déshonorée
par Agnès
Ricroch, Marcel Kuntz, Philippe Joudrier et Louis-Marie Houdebine
La
science est sortie salie du Comité de préfiguration de
Ce
Comité a été créé à la hâte. Ses conclusions ont été consignées dans un rapport
bâclé, avec des références scientifiques incorrectes tandis que d’autres ont été passées sous silence
(1). La majorité de ses membres a déploré l’impossibilité de « réaliser une expertise plus complète et de
relire sereinement l'avis avant sa diffusion ». A travers un appel de 1200 signatures, des chercheurs
ont fait connaître leur position (2). Quarante académiciens ont dénoncé cette
manipulation politique.
Le
« dialogue à cinq », syndicats, entreprises, ONG, élus et administration,
prôné dans le Pacte écologique de Nicolas Hulot est louable, mais l’écologie
politique ne pourrait se substituer à la science. Autant la participation des
ONG est légitime, autant elle trouve ses limites dans l’interprétation des
faits scientifiques sur ce maïs. Or, depuis plus d’une décennie, ses effets sur
l’environnement et la santé ont été évalués par des commissions nationales et
internationales compétentes, indépendantes et transparentes. Comme celle
utilisée en culture biologique, la toxine Bt de ce maïs persiste peu de temps
dans le sol et n’agit que sur les insectes ciblés. Les cultures Bt sont moins
nuisibles pour la faune que les insecticides chimiques et contiennent moins de
mycotoxines cancérigènes. Les traces de pollen retrouvées à des distances
éloignées ne remettent pas en cause la coexistence avec les champs
d’agriculture biologique. Après expertise et contre-expertise, les tests de
toxicité sur ce maïs n’ont rien révélé d’anormal pour la santé.
Le
paradoxe des OGM est qu’ils sont entourés d’un luxe de précaution et que
certains réclament encore plus d’études. Soit ! Les chercheurs
continueront leurs travaux, mais que l’on n’entretienne pas la défiance par des
soupçons d’incompétence, de corruption et de subordination. Que l’on respecte
les recherches en milieu ouvert menées au nom du principe de la connaissance.
Mais, ne leur demandez pas de démontrer un risque zéro.
Nous
souhaitons que le « dialogue à cinq » invite les scientifiques pour
éclairer les décisions sur l’avenir d’une agriculture saine, durable et
respectueuse de l’environnement. Nous manifestons notre désapprobation dès lors
que les chercheurs sont instrumentalisés et que les faits scientifiques sont
manipulés. La confrontation des idées, la transparence et l’indépendance sont
nos principes éthiques. Le refus de voir dans la science un allié pour le
progrès de notre civilisation relèverait d’un pur obscurantisme.
Agnès
Ricroch
est Maître de Conférences à AgroParisTech
Marcel
Kuntz
est Directeur de Recherche CNRS
Philippe Joudrier est Chargé de mission INRA, expert
OGM à l'Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments
Louis-Marie
Houdebine
est Directeur de Recherches INRA, expert OGM à la Commission du Génie Génétique
et à l'Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments